"Je préfère peindre les yeux des hommes plutôt que les cathédrales, parce qu'il y a dans les yeux des hommes quelque chose, qui n'existe pas dans les cathédrales, aussi majestueuses et importantes soient-elles."
Vincent Van Gogh.
Huiles sur toile d' Annick Gaillard - Commentaire de Painton
Cowen
Ce travail est un hommage à Henri Gaillard, Michel-Ange et Pablo
Picasso
La Divine Comédie de Dante est un des grands textes de la littérature
du monde occidental, peut-être le plus grand après la Bible. L’oeuvre rédigée entre
1308 et 1320 est le récit d’un voyage imaginaire dans l’au-delà, entrepris par le poète italien
du Vendredi Saint au Jeudi de Pâques 1300 et partagé par le lecteur. Le voyage comprend trois parties:
“l’Enfer”, le “Purgatoire” et le “Paradis”.
Dante part d’une “forêt sombre” où il s’est égaré, vers le milieu de sa vie, c’est à
dire à 35 ans. Il trouve un guide en la personne du poète romain Virgile envoyé par la Providence
pour l’aider à retrouver son chemin - ou du moins l’aider jusqu’au lieu où Virgile ne peut plus rien,
étant païen. Dante est alors guidé par Béatrice, l’esprit d’une jeune femme décédée
que Dante connut et qui représente pour lui l'amour pur.
A cet âge de sa vie, Dante connait bien l’humanité, ses faiblesses et ses forces mais il est perdu
quant au sens plus profond de la vie, même s’il se trouve être un fils loyal bien qu'errant de l’Eglise.
La forêt sombre représente le péché et l’erreur, elle obscurcit le vrai chemin du pélerin
dans la vie. Dante, au moment de l’écriture de la Comédie, souffre d’un ostracisme de sa ville natale
Florence, s’étant trop impliqué dans la vie politique de la cité et le poème comprend
de nombreuses références à sa société contemporaine.
Chaque partie a 33 chapitres, ou chants ou “canti” - l’Enfer en comprend 34, le premier canto étant une
introduction à toute l’oeuvre. Dans son voyage, Dante voit le destin des âmes de défunts venant
de tous les horizons de la vie; où elles se trouvent être dépend de leur comportement pendant
leur vie terrestre. Inévitablement, Dante joue le rôle de juge et de jury mais il explique clairement
au lecteur pourquoi chaque être se trouve là, par les lèvres de Virgile puis de Béatrice.
L’Enfer
L’Enfer se présente comme un vaste puits, un abîme composé
d’une série de 9 cercles concentriques, chacun peuplé par des pécheurs ayant succombé
à des tentations terrestres particulières et qui durant leur vie apparaissent n’avoir eu aucune intention
de mieux se comporter. Plus le voyageur descend dans l’abîme, plus les péchés représentés
sont graves et plus les punitions sont misérables, des punitions éternelles puisqu’il n’existe aucune
chance de rédemption. En haut du puits se trouvent ceux qui ont succombé aux faiblesses personnelles
de l’indulgence, de la perte de contrôle et de la violence. Plus bas sont ceux qui ont commis des péchés
plus "puissants" affectant d’autres êtres humains - c’est à dire l’utilisation impropre
d’un pouvoir -, puis plus profonds encore sont ceux qui ont conduit les autres loin des vérités spirituelles
et de la confiance. Pour Dante, ce sont des péchés plus terribles que tous ceux d’autodestruction
physique et de violence contre les autres. Au centre de l’Enfer est Lucifer, l'ange déchu, figé dans
un lac de glace.
Les Limbes se trouvent à l'entrée du Premier Cercle de l’Enfer. Dante y croise ceux qui ont vécu
avant l’époque du Christ lorsque “personne ne pouvait concevoir le
salut”. Immédiatement après la Crucifixion et avant la Résurrection, le Christ est descendu
aux Enfers et a libéré les âmes des patriarches et des prophètes de l’Ancien Testament
qui ont préparé sa venue. Les autres âmes dans les Limbes sont celles des grands humanistes
du monde de l’Antiquité.
Le Purgatoire
Le Purgatoire est “réservé” à ceux qui ont erré au cours de leur vie terrestre et qui pourtant ont eu toutes les intentions de mieux faire et qui possédaient une foi chrétienne même si celle-ci était rudimentaire. La structure est à nouveau une série de 9 cercles concentriques mais ici, ils enlacent une montagne abrupte. Le voyage est une ascension impliquant un effort - contrairement à l’Enfer où la descente est incontrôlable. Les mêmes péchés qui détruisent les âmes en Enfer, se retrouvent au Purgatoire mais ils sont présentés comme des faiblesses pouvant être surmontées. Alors qu’en Enfer, il est facile de glisser par simple “gravité” toujours plus profondément vers des péchés toujours plus importants - c’est à dire d’être séduit par le monde et par ses propres faiblesses - au Purgatoire, un acte conscient de force de caractère est demandé pour monter toujours plus haut vers la Vérité qui sera révélée éventuellement à ceux qui persistent.
Le Paradis
Le Paradis ne peut être que deviné. Dante y place tous les êtres
qui ont sorti l’humanité de la trivialité et de la barbarie dans lesquelles la vie humaine peut glisser
avec tant de facilité et qui par leur influence, ont guidé les autres vers la connaissance de la
Beauté pure, de l’Emerveillement et de la Vérité.
Pourquoi peindre La Divine Comédie en l’an 2000? Botticelli,
William Blake, Gustave Doré, Rodin, Dali, Garouste et d’autres artistes encore y ont travaillé. Michel-Ange
avait fait du poème son livre de chevet. L'oeuvre de Dante est un voyage intérieur au cours duquel
le poète doit confronter certains aspects de lui-même et du monde, afin de trouver sa voie. Cette
belle odyssée est de toute éternité pour tout être humain suffisamment courageux pour
l'entreprendre.
J'ai "vu" et illustré le poème comme une série de portraits puisque malgré
la description pittoresque de l'environnement, l'œuvre décrit surtout des rencontres entre Dante et d'autres
êtres – ce qui, me semble-t-il, est la meilleure façon d'apprendre quoi que ce soit de vraie valeur.
J'ai peint L'Enfer en m'inspirant avec une immense humilité des visages des personnages sculptés
ou peints par Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine. Intuitivement, j'ai senti que les âmes au Paradis devaient
être celles d'artistes – musiciens, peintres et écrivains – puisque ce sont eux surtout qui ont donné
au monde tant de beauté, d'inspiration et d'espoir au cours des siècles. Au même moment, j'ai
lu l'observation de Van Gogh: "Je préfère peindre les yeux des hommes plutôt que les cathédrales
parce qu'il y a dans les yeux des hommes quelque chose qui n'existe pas dans les cathédrales aussi majestueuses
et importantes soient-elles".